Source : La Tribune de Genève

Strasbourg, capitale alsacienne à la frontière allemande, est un des principaux foyers de radicalisation islamiste en France.

«Strasbourg est un foyer djihadiste en France. Plusieurs centaines d’individus originaires du Bas-Rhin sont inscrits au fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) et plusieurs filières d’acheminement du djihadisme y ont été démantelées», explique Jean-Charles Brisard, président du centre d’analyse du terrorisme, à Paris.

«C’est l’un des dix principaux foyers en France de l’activité du phénomène djihadiste», affirme-t-il.

Né à Strasbourg, Chérif Chekatt, qui a tué trois personnes et en a blessé treize autres mardi sur le marché de Noël, a grandi dans la capitale alsacienne, tout comme Khamzat Azimov, un Tchétchène de 20 ans, qui avait fait un mort et cinq blessés dans une attaque au couteau dans le centre-ville de Paris, en mai dernier.

Quelques jours après les faits, un de ses amis, Abdoul Malik Anaiev, avait été arrêté à Strasbourg, soupçonné de velléités d’attentats.

GIA implanté

Dès les années 1980-1990, le GIA (groupe islamique armé, né en Algérie) s’est implanté à Strasbourg et y a trouvé des relais locaux, rappelle le sociologue et le directeur d’études à l’école des hautes études en sciences sociales (EHESS), Farhad Khosrokhavar.

Les foyers djihadistes «se constituent souvent à la faveur d’un noyau dur de quelques individus initialement, qui prennent l’ascendant sur les autres et recrutent dans l’entourage direct», analyse M. Brisard. «Progressivement, ce noyau s’élargit et constitue une véritable filière avec une répartition des rôles», ajoute-t-il.

La proximité de la capitale alsacienne avec l’Allemagne, où sont implantés depuis longtemps des foyers de radicalisation – comme à Hambourg, où ont été en partie planifiés les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis -, favorise les échanges entre les différentes cellules.

Strasbourg, «cible convoitée»

En juin, trois hommes originaires de Wissembourg, commune située au nord de Strasbourg, et proches d’une filière djihadiste de la région, ont été condamnés à des peines allant de 5 à 9 ans de prison pour avoir tenté de rejoindre la Syrie en guerre, notamment après 2015.

L’un des trois hommes avait planifié en 2013 un voyage dans ce pays avec son ami d’enfance, Foued Mohamed-Aggad, l’un des kamikazes de la salle de spectacle du Bataclan, lors des attentats meurtriers du 13 novembre 2015 en France (130 morts).

Un an auparavant, sept jeunes Strasbourgeois avaient été incarcérés pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Prétextant un voyage au soleil, ils s’étaient envolés vers la Syrie au sein d’un groupe d’une douzaine de personnes.

Le chef d’une autre filière djihadiste, dite de Cannes-Torcy, Jérémie Louis-Sidney, avait été abattu par les policiers, sur lesquels il avait fait feu lors de son arrestation en 2012 à son domicile, à Strasbourg. Cette cellule avait notamment jeté une grenade dans une épicerie casher de la banlieue parisienne, en 2012.

Terrorisme de proximité

En 2000, un attentat visant déjà le marché de Noël et la cathédrale de Strasbourg et fomenté par le «groupe de Francfort», en Allemagne, avait été déjoué.

Ville «touristique» avec «une identité française et européenne», Strasbourg «est une cible convoitée depuis de longues années», souligne Anne Giudicelli, directrice de la société de conseil Terrorisc.

Et M. Brisard note l’apparition d’un «terrorisme de plus en plus de proximité». «Jusque récemment, on frappait à Paris, parce que c’est symbolique. En majorité, les terroristes frappent désormais en province», analyse-t-il.

La directrice de Terrorisc distingue «deux types d’appels de la part des organisations terroristes depuis fin octobre». Il y a «à la fois des appels à cibler la période de Noël et, en parallèle, d’autres appels dont l’objectif était d’encourager à agir dans le contexte des gilets jaunes, car il y avait une instabilité sécuritaire et une mobilisation des forces de sécurité», détaille-t-elle.

«Il y a une opportunité en or pour eux de frapper», résume Mme Giudicelli