Source : Le Figaro

FIGAROVOX/ANALYSE – Jean-Charles Brisard décrypte les propositions des sénateurs pour lutter contre le djihadisme. Il regrette l’absence de mesures réellement nouvelles et novatrices.

 

Jean-Charles Brisard,  spécialiste du terrorisme, Président du Centre d’Analyse du Terrorisme (CAT)

 

Le Sénat a dévoilé ce mercredi ses propositions contre les filières djihadistes. Vous paraissent-elles en mesure de combattre efficacement le phénomène de radicalisation ?

 

Le Sénat a voulu couvrir l’ensemble du spectre de la radicalisation et de l’engagement djihadiste, de la prévention à la répression. Au final, les sénateurs ont produit un rapport très consensuel qui n’apporte pas de réelles innovations, qui ne sort pas des sentiers battus ni du cadre actuel de la loi. On raisonne à périmètre constant dans une vision très institutionnelle des choses. Les mesures sont souvent purement techniques et semblent faire fi des mesures, des annonces et des projets gouvernementaux. Beaucoup d’entre-elles sont d’ailleurs déjà satisfaites par des annonces gouvernementales (renforcement des effectifs des services concernés, accès à des fichiers existants ou création de nouveaux fichiers, lutte contre le micro-financement), d’autres sont en cours de discussion ou d’élaboration (PNR européen, renforcement des contrôles aux frontières Schengen).

 

Sur les 110 propositions lesquelles retenez-vous ?

 

L’accent mis sur la prévention de la radicalisation est très important. Toutes les mesures, déjà pour l’essentiel discutées dans d’autres forums, visant à améliorer la détection précoce des profils à risque, la sensibilisation et la formation, y compris en milieu scolaire, sont absolument nécessaires pour prévenir les dérives radicales et djihadistes.

 

La généralisation des quartiers isolés dans les prisons est-elle une bonne nouvelle ?

 

Des expérimentations sont déjà en cours. Il y a peu d’options entre la situation actuelle, propice au développement du prosélytisme, et le regroupement des détenus. L’isolement ne peut être que temporaire au regard du droit européen, même si cette solution pourrait être envisagée afin d’écarter les profils les plus radicaux.

 

Regrettez-vous que l’obligation des prêches en français n’ait pas été retenue ?

 

Je regrette globalement que les sénateurs aient fait le choix de ne pas aborder la dimension idéologique et religieuse du phénomène de la radicalisation et de l’engagement djihadiste, préférant le consensus politique au détriment d’une appréciation objective de la réalité de ce phénomène.

 

Ces propositions sont souvent très techniques peuvent-elles résoudre les problèmes de fond ?

 

Comme je l’ai rappelé, la plupart des propositions ne sont pas nouvelles, et sur le fond la commission d’enquête a éludé des pans entiers de notre stratégie de réponse au phénomène de l’engagement djihadiste. Ainsi, les sénateurs notent que les djihadistes de retour du théâtre d’opération syro-irakien « présentent une dangerosité élevée et constituent une menace réelle et directe ». Outre que cette affirmation n’est pas totalement exacte, puisque seule une minorité d’entre eux peuvent représenter un danger à leur retour, la commission ne formule aucune proposition concrète pour le retour ; sur la manière de déceler les profils dangereux, d’assurer le suivi et la réinsertion des autres. De la même manière, la commission souligne le nombre important de mineurs présents en Syrie et en Irak, mais ne propose rien pour renforcer leur protection, alors que nous observons des cas manifestes de soustraction de mineurs ou de provocation à commettre un crime ou un délit.

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